DÉSORDRE




Dans le désordre naturel des choses.

Suspendus. Vautrés. Ecrasés. Avachis. Démantibulés. Aplatis. Affalés…
Il en subissent des tonnes les corps masculins de Corinne Mariaud.

Que les décors autour d’eux soient concrets ( la ville ), abstraits ( fond neutre), c’est le poids gigantesque des fardeaux modernes qu’on devine dans la mise en scène de ces épuisements chroniques.

Comme si la fatigue et les désordres leur avaient tiré dessus, une balle de sommeil en plein corps, leurs membres comme condamnés à un épuisement irrépressible, à un besoin incontrôlable de s’extraire dans l’inconscient.

Il y a la trace des luttes antérieures dessinée dans la chorégraphie des chutes, et ce besoin de se ressourcer vital, urgent, viscéral, insinué pour envisager la suite.

Derrière la mécanique des corps tordus, écrasés, anachroniquement déposés en milieu urbain, un mur, un trottoir, un parc pour enfants, on devine le quotidien-monstre, le travail, la famille, la solitude, les autres, les transports, la monotonie, l’ennui, le refus, la soumission, la reddition… il y a une nature qui malgré une fuite visible dans les mondes parallèles du paradoxal, reprend le dessus, et impose ses droits.
Droit au repos, à l’oubli, au rêve, à l’enfance, à la danse, au voyage, peut-être même à l’érotisme et l’amour.

Cécile Helleu

Désordre, décembre 2015 galerie Myriam Bouagal, Paris

 

C’est un regard posé sur l’individu dans l’espace urbain. Un questionnement sur l’état des corps dans la ville. J’ai choisi de mettre en scène des individus dans des espaces quotidiens. Des hommes à terre, des hommes qui glissent sur la matière urbaine. J’ai travaillé sur l’instant immobile de cette chute. Sur les forces et sur les résistances. Dans ces images, les paysages urbains, imposants de modernité, envahissent l’espace de la photographie. Vidés des gens qui les peuplent tous les jours, ils se transforment en un décor graphique dont la régularité est perturbée par un élément humain. Comme une tache sur cette surface lisse et organisée.  La forme humaine paraît échouée sur le sol, le corps a perdu toute résistance. Sa souplesse contraste violemment avec la rigueur géométrique des édifices alentour. On pense à ces sacs plastiques accrochés aux branches des arbres, sur les bords des routes. Corps étranger à son environnement, corps qui flotte dans la ville, corps naufragé. Comme les arbres ou les morceaux d’espaces verts sont contenus par l’architecture de la ville, l’homme est encadré par la matière urbaine. Les personnages sont anonymes, cependant par leur solitude et la singularité de leur pose, ils s’extraient de l’ordre habituel des choses. Le corps banal se transfigure en un corps tragique. L’individu devient puissant. Il altère la régularité de l’environnement. Il perturbe la perception de l’image. 

Les personnages expriment une grâce, une douleur qui évoquent la résistance de l’individu dans la matière urbaine.

 

Corinne Mariaud

 

 

2010 Biennale Photographique de Liège , Belgique, BIP 2010